On estime la population de Cape Town à 4 millions d'habitants. La majorité habite dans les townships des Cape Flats (la plaine sablonneuse qui entoure la ville), soit 2,5 million de personnes.
Presque toutes les villes et agglomérations sud-africaines ont leur township : c'est là que vit la moitié de la population urbaine du pays. Les habitants ont généralement l'électricité chez eux, mais doivent souvent aller chercher leur eau au robinet du coin. Le chômage dans les townships atteint des taux records, avoisinant les 65%. Violence, gangs, drogue, alcoolisme, criminalité, désœuvrement, misère et insalubrité... La liste des maux des townships est longue. Encore aujourd'hui, c'est une zone interdite pour les Blancs, à moins d'être escorté par quelqu'un du quartier.
Il existe une gradation de pauvreté au sein des townships: les townships à proprement parler ont une existence légale et sont construits en dur, ils font partie de l'urbanisme de la ville, et ont eau et électricité à domicile. Les petites maisons en brique sont souvent ''agrandie'' par une ou plusieurs cabanes en tôle. Il y a les "vrais'' bidonvilles, ce qui s'appelle juridiquement ici les ''constructions informelles'' : les shacks, c'est-à-dire des amas de tôles branlants où s'entassent de manière illégale les plus pauvres et les sans-papiers. Et puis il y l'entre-deux, des constructions guère reluisantes en tôles, brique et conteneurs.
Historiquement, les townships se sont développés sous l'apartheid, lorsque les ''Non-blancs'' furent chassés des villes ''réservées aux Blancs'' et contraints d'aller s'installer en périphérie des villes, le plus loin possible des centre économiques, où là encore ils étaient classés par race : il y avait les townships pour les Noirs, les townships pour les Coloured, les townships pour les Indiens... Ils venaient travailler en ville en journée avec un laissez-passez, mais devaient absolument être rentrés dans leur township à la nuit tombée, sous peine d'être arrêtés.
Depuis mon arrivée, j'ai eu l'occasion par deux fois de m'aventurer dans un township (escortée à chaque fois, of course!). L'expérience est toujours saisissante. C'est grouillant de vie, grouillant d'enfants qui jouent au milieu de la route et de jeunes qui traînent, de chiens qui errent, de klaxons qui retentissent, de taxis-townships qui déposent leurs passagers en s'arrêtant à peine, d'adultes en manque d'occupation assis dans des endroits improbables qui attendent que le temps passe. Les boutiques sont installées dans des conteneurs plus ou moins relookés alignés le long de la route. Derrière la rangé de conteneurs, les logements plus ou moins reluisants s'imbriquent les uns dans les autres, et on devine les gestes du quotidien de ces conditions de vie éprouvantes: aller remplir un bidon d'eau, laver son linge dans une bassine, acheter trois bricoles au boui-boui du coin...
***
Le week-end dernier, je suis partie avec une association à Khayelitsha, le plus grand township de Cape Town situé à 30km du centre-ville, y visiter des projets de développement des communautés locales. Une matinée à la rencontre de gens incroyables qui s'investissent pour améliorer les conditions de vie des habitants et tenter d'encadrer un peu les jeunes.
Nous avons visité un potager de quartier, dont les légumes (bio!) sont vendus à de grands restaurants capetoniens et où des formations sont organisées régulièrement pour apprendre à ceux qui le souhaitent à planter et cultiver leurs légumes. Et même si les légumes en question pousseront dans un pneu posé par terre et rempli de terre, ça fait toujours quelques vitamines !
Nous sommes ensuite parti dans une espèce de foyer de quartier, qui accueille les enfants et les jeunes après l'école pour les aider à faire leurs devoirs et leur proposer des activités tels que la chorale ; le foyer organise aussi de nombreux ateliers pour les femmes: groupes de partage, de cuisine, d'alphabétisation, de leçons de vie et d'artisanat touristique. Nous avons été accueillis par la chorale qui a enflammé le dancefloor au son du tamtam et d'un choeur africain déchaîné : vidéos ici et ici.
Enfin, nous sommes allés voir une garderie/école maternelle qui accueille les enfants en journée et après la classe, et sert aussi de ''médiathèque'' de quartier : quelques livres sont à disposition, ainsi que quelques ordinateurs pour permettre aux adultes d'apprendre quelques rudiments d'informatique ou de faire leur CV.
Le récit en images par ici.