Le toyi-toyi (prononcez ''toï-toï'') est une sorte de danse largement répandue parmi les Sud-africains noirs qui sert à exprimer colère et révolte lors des manifestations et des rassemblements publics. Il s'agit d'une espèce de marche bondissante où on monte les genoux en rythme et frappe le sol du pied, accompagnée de slogans et de chants repris en chœur par la foule.
A l'origine pratiqué par l'armée révolutionnaire du Zimbabwe dans les années 60 pour stimuler les troupes, le toyi-toyi s'est transmis à l'Afrique du Sud à cette même époque où était mis en place l'apartheid. Depuis, il s'est complètement ancré dans la culture noire sud-africaine, et encore aujourd'hui, le toyi-toyi est utilisé lors des grèves et des manifestations. Voilà un exemple : les ouvriers de mon usine se sont mis en grève pendant quelques heures il y a 15 jours et certains sont sortis dans la cour de l'usine faire un toyi-toyi.
Pendant l'apartheid, le toyi-toyi était la seule arme dont disposaient les militants anti-apartheid - mais une arme mine de rien très puissante. Car le rythme marqué du toyi-toyi crée immédiatement un très fort sentiment d'appartenance qui grise la foule et servait à faire bloc contre la police. Un peu comme le haka néo-zélandais. Il permet aussi à la foule de se déplacer très rapidement, créant un effet de vague déferlante. Le toyi-toyi avait aussi pour but d'intimider la police et de faire peur aux Blancs.
Mais ce que j'ai appris hier et qui m'a le plus frappé, c'est que les paroles des toyi-toyi de l'apartheid étaient de vraies déclarations anti-apartheid et provocations contre les Blancs, parfois même de brutaux appels à la violence. J'avais toujours pensé qu'il s'agissait d'anciens chants de guerre traditionnels des tribus qui étaient repris pour les manifestations. Pas du tout. Ces chants étaient écrits par des artistes engagés contre l'apartheid et reprenaient l'actualité, puis étaient scandés par les foules en colère sous le nez de la police blanche qui était bien incapable de se rendre compte de la violence des propos qui leur étaient crachés à la figure. Le gouvernement de l'apartheid se sera fait piéger tout seul par son mépris envers ces cultures et sa méconnaissance des langues noires.
Mais ce qui est frappant aussi, c'est le décalage entre ces chants qui nous semblent plutôt joyeux et entraînants à l'oreille, et la violence des paroles lorsqu'on en lit la traduction. Je vous laisse en juger par vous-même : la vidéo ci-dessous est extraite d'un film sur l'apartheid, les chants des toyi-toyi sont sous-titrés.