Le Karoo est un désert semi-aride grand comme l'Allemagne. Non pas un désert de sable, mais des kilomètres à l'infini de plaines de cailloux et de poussière rouge, et la silhouette des collines aplaties et des montagnes de loin en loin. Un environnement rude et inhospitalier, stérile et incultivable. Dans le Karoo, le temps est comme suspendu, absent et vide.
Depuis mon arrivée en Afrique du Sud, j'ai traversé le Karoo à trois reprises en voiture. A chaque fois, cela m'a fascinée de la même façon. La route file tout droit, rectiligne, sans fin, pendant des centaines de kilomètres. A perte de vue, une terre sablonneuse aux couleurs rouge et ocre, des bottes de broussailles éparses, des termitières, des aloès, des crassulas, des cactus et autre végétation basse, grasse, éparse et sèche. Le Karoo est aussi le royaume des moutons, dont les plaines reculées se prêtent bien à l'élevage, ainsi que des autruches, des suricates et des antilopes. Des moulins à vent tapissent le paysage, allant pomper les rares poches d'eau dans le sous-sol. Un paysage morne et répétitif, aux couleurs changeantes : la lumière dorée du petit matin, la luminosité crue et écrasante de la pleine journée, les collines embrasées de rose au coucher du soleil, le gris lugubre des plaines une fois que le soleil a disparu à l'horizon, et un ciel étoilé magique une fois la nuit tombée. Le Karoo, c'est un peu la route 66 américaine de l'Afrique du Sud.
Le calme, le silence et l'isolement, et un sentiment vertigineux d'immensité immobile, à l'infini des plaines et des koppies, ces collines au sommet parfaitement plat, comme si une épée gigantesque avait coupé net la pointe des reliefs. Les photos ont malheureusement du mal à rendre cette sensation d'immensité et d'infini. On traverse un village inerte tous les 70km planté au milieu de rien. Avec une densité de 3 habitants par kilomètre carré, c'est 2% de la population sud-africaine qui habite dans le Karoo. Pour une région qui couvre un tiers de la superficie de l'Afrique Sud, cela ne fait pas beaucoup de vie.
Traverser ces petits hameaux assoupis, les dorp, c'est comme être transporté dans une ambiance de Far West où le temps semble être suspendu. Maisons victoriennes en tôle grise et toits verts s'alignent le long de la grand-rue, ou bien petites cabanes blanches en chaux, simples cubes posés sur la terre rouge, au milieu des arbres aloès qui dressent leurs branches sèches vers le ciel comme des cactus géants. Au milieu de nulle part, des fermes complètement isolées, accessibles uniquement par des pistes poussiéreuses.
Jusqu'au XIXè siècle, le Karoo était habité par des tribus de chasseurs-cueilleurs, les Khoisan. ''Karoo'' signifie dans leur langue ''le pays de la soif''. Les Khoisan ont depuis disparu du Karoo à cause des fermes établies par les Blancs à partir du XVIIIè siècle (il en subsiste quelques tribus aujourd'hui dans le désert aride du Kalahari, à l'extrême nord de l'Afrique du Sud et en Namibie). Le Karoo est peuplé aujourd'hui d'éleveurs de moutons et de gens qui mènent une vie tranquille, reculée et un peu autarcique.
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